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JOUR 5: NÁJERA / BELORADO (45 km)

Carte jour 5

PROPOSITIONS DE DIRECTIONS À PRENDRE

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  • À partir de Nájera, prendre la N120 jusqu’à Santo-Domingo-de-la-Calzada. Vous croiserez régulièrement le Camino.
  • À Santo-Domingo-de-la-Calzada, vous pouvez poursuivre sur la N120 jusqu’à Belorado (Google Maps).
  • (Nous avons pris le Camino à la sortie de Santo-Domingo, après le pont. Vous passerez par Grañon et Redecilla-del-Camino. La route qui grimpe passe à Castidelgado. À la sortie du village poursuivre sur le Camino, même si l’on peut être tenté d’utiliser la N120 qui peut être dangereuse, parce que peu d’espace pour les cyclistes. Le chemin des pèlerins vous ramène plus loin près de la N120 que vous pourrez utiliser au lieu du Camino, jusqu’à Belorado).

RÉCIT

 

Après avoir bien gonflé les pneus de nos vélos, comme nous le pratiquons religieusement chaque matin, nous quittons Nájera par la route nationale pour nous rendre rapidement à Santo-Domingo-de-le-Calzada. Nous traversons la ville par des rues médiévales entrelacées où l’on retrouve l’empreinte du Chemin. Au moment de notre pause, fidèle à mon habitude, je profite du café con leche pendant que Sylvie explore les lieux et tente d’aller visiter la célèbre cathédrale qui est fermée pour le moment. Nous rencontrons pour la première fois un couple de cyclistes qui voyagent de la même manière que nous, avec leurs bagages. Ces Australiens semblent se déplacer un peu plus vite que nous ; l’homme à l’allure plutôt sportive roule à son rythme et sa conjointe réussit à garder une égale cadence avec son vélo électrique. 

Jour 5 santo domingo de la calzeda

Après cette agréable pause, nous délaissons la route nationale pour poursuivre sur le Camino cette fois. Nous avons quitté la région du Rioja pour découvrir maintenant la province de Castille-et-León. Cette magnifique campagne nous amène à sillonner des champs de tournesols à perte de vue. Puisque ces plantes affectionnent les climats chauds et arides, je peux confirmer qu’elles se trouvent à la bonne place ici. Curieusement, nous remarquons des dessins au centre de la fleur. Des formes ont été tracées avec les graines desséchées. On retrouve surtout des sourires.

Jour 5
Jour 5 tournesols

En longeant ces champs tout en marchant à côté de nos vélos, en raison du sentier rocailleux, on ne peut que se questionner sur les auteurs de ces sculptures en forme de sourire. Je soupçonne les pèlerins d’avoir voulu laisser une trace de leur passage, possiblement au moment où ils devaient s’arrêter pour guérir leurs blessures aux pieds. Peu importe l’origine de ce phénomène, ce clin d’œil donne un cachet sympathique et réconfortant.

Nous arrivons en milieu d’après-midi à notre auberge à Belorado. Ambiance chaleureuse et réconfortante. Nous avons même du temps et de l’espace pour étendre notre lessive. Quel bonheur ! Avec notre système de corde à linge improvisé, nous pourrons repartir à neuf demain matin, en espérant que le tout sèche rapidement. Ajoutons à cela, la possibilité de partager en soirée un repas du pèlerin à 10 € incluant le vin à volonté. Je crois que nous avons exagéré de ce côté, alors que nous étions surtout assoiffées. Cela a eu pour résultat de perturber ma nuit avec le retour des ronflements de ma complice. Sylvie avait pris l’habitude de dormir avec plusieurs oreillers, se retrouvant pour ainsi dire en position assise, et cette méthode fonctionnait. Au moment où j’ai entendu ce ronflement de moteur qui réapparaissait, je ne savais plus de quelle façon réagir. J’ai réveillé Sylvie, mais la pauvre se trouvait déjà en bonne posture, je ne pouvais quand même pas l’accrocher dans l’armoire et refermer la porte. Le lendemain, elle a avancé l’hypothèse voulant que le vin ait précipité une rechute et qu’elle n’avait qu’à faire attention à sa consommation pour la suite. Je me suis alors investie du rôle  de police de proximité qui veille à la juste mesure, évidemment cette vigie ne me concerne d’aucune façon.  

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

Je réalise que pour certains le Chemin représente un style de vie. Nous avons échangé avec certains pèlerins qui effectuaient pour une seconde fois et plus ce même itinéraire. D’autres vivent l’expérience par sections, pour poursuivre là où ils avaient laissé le Camino à la dernière occasion. Une de mes collègues au travail avait parcouru le Camino Francés à deux reprises et se préparait, avec un enthousiasme débordant, à partir à nouveau. Possiblement, lorsque l’on « fait le Chemin », on a le sentiment d’appartenir à une certaine communauté caractérisée par la solidarité et l’égalité des personnes. Même si plusieurs marchent en solitaire, l’isolement se partage et devient donc collectif. On n’est dès lors jamais vraiment seul.

Je ne referais pas nécessairement le Chemin, mais je comprends très bien le sentiment qui se développe au fur et à mesure que l’on avance dans cette aventure. Se présentent peu d’occasions semblables dans notre existence où l’on vit au rythme d’une collectivité solidaire et spontanée. On se retrouve dans l’échange de regards complices des pèlerins que l’on rencontre puisque nous poursuivons la même trajectoire. On a l’impression d’affirmer son identité, d’être quelqu’un ; je suis la femme de 64 ans qui fait Compostelle à vélo. Cette reconnaissance est également venue de mes proches. Ceux-ci m’écrivent pour me dire combien ils ont de l’estime pour moi, mon courage, ma ténacité, qu’ils m’envient ou encore qu’ils s’inquiètent.

Ce sentiment d’appartenance et cette quête d’identité m’amènent à réfléchir à ma retraite qui a débuté il y a deux ans. Je constate que le travail nous définit socialement et que cette perte de statut crée une incertitude. Tant que j’exerçais ma profession, je faisais partie d’une communauté, au même titre que cette affiliation au monde des pèlerins que je vis actuellement. On aspire à cesser sa vie de salarié, mais l’on se questionne très peu sur le défi d’une telle liberté d’action, sans contraintes de temps. À l’image de l’arrivée à l’âge de la retraite, l’approche de Saint-Jacques de Compostelle entraîne des sentiments partagés. On souhaite franchir la distance, mais on redoute également la fin de l’expérience, l’abandon de notre identité sur le Chemin.

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