JOUR 14: TRIACASTELA / PORTOMARIN (45 km)

Carte jour 14

PROPOSITIONS DE DIRECTONS À PRENDRE

Img 0251

  • En quittant Triacastela, utiliser la LU-633 qui vous mènera jusqu’à Samos. De là, continuer sur la LU-633 jusqu’à Sarria.
  • À la sortie de Sarria, préférez la route LU-633 jusqu’à Ferreiros. De là, vous poursuivrez votre route par le Camino. En quittant Ferreiros, vous ne pouvez manquer la borne annonçant qu’il ne vous reste plus que 100 km à parcourir avant d’arriver à Santiago de Compostela et sa cathédrale.
  • Vous arrivez à Portomarin par les bords du lac de Belesar, où vous retrouverez la LU-633 pour la traversée du pont sur le rio Mino.
  • Un escalier imposant permet aux marcheurs de se rendre à Portomarin, mais utiliser plutôt la route à droite.

RÉCIT

Ce n’est finalement pas le coq qui nous a tirées du sommeil, mais bien notre réveille-matin, comme à l’habitude. Nous nous accommodons d’un petit déjeuner quelconque au café de la place. C’est ici que, pour la dernière fois, mon pot de beurre d’arachides vient à notre secours. Chaque fois que nous avons dû faire appel à ma tartinade, j’ai remercié le ciel d’avoir choisi de mettre dans mes bagages cette gâterie de choix. Nous quittons Triacastela pour continuer la longue descente jusqu’à Sarria. Les nombreuses couches de vêtements se révèlent encore bien indispensables ce matin. C’est parti ! Nous nous engageons dans un dénivelé descendant pour quelques kilomètres.

C’est un peu plus tard qu’entrent à nouveau en scène nos deux cyclistes polonaises. À l’image d’hier, Sylvie et moi sommes arrêtées pour un moment dans une longue montée. Nous entendons au loin nos deux comparses à vélo électrique qui se rapprochent tout doucement. Encore ici, la plus petite passe devant et sa compagne la suit. Cette fois, lorsque cette dernière nous croise, elle nous dit en souriant « Good morning ». Je lui réponds avec la même formule. Sylvie est outrée. Comment ai-je pu réagir si cordialement aux propos de cette fille qui nous narguait hier ? Je réplique que l’on n’a pas à se conduire de la même manière, d’autant plus lorsque cette façon de faire nous déplaît.

À Ferreiros, c’est l’heure du deuxième déjeuner. Nous repérons une place extra où l’on croise d’autres pèlerins qui ont visiblement besoin de cette pause. En sortant du village se trouve un marché public où Sylvie s’arrête comme à l’habitude. Je l’attends tout en surveillant nos deux vélos et lorsqu’elle réapparaît, elle se dit outragée par la manière avec laquelle une marchande l’a interpellée. Il s’avère que Sylvie touchait aux fruits et légumes de son étalage et qu’elle s’est fait disputer. Il est vrai qu’au marché, les pratiques ne sont pas les mêmes. Elle a tout de même pu dénicher quelques fruits choisis par la commerçante dont nous nous accommoderons pour aujourd’hui.

À la sortie du village se trouve la borne affichant qu’il nous reste 100 kilomètres à parcourir avant d’arriver à la cathédrale de St-Jacques-de-Compostelle, but ultime de notre voyage. Sur la photo à droite, on constate que la plaque kilométrique sur la borne est manquante, un autre phénomène déplorable de manque de civisme. Notre bible nous apprend que des personnes plutôt irrespectueuses arrachent ces symboles pour les garder en souvenir (Calas, op. cit., p.118). C’est donc pour cette raison que l’on aperçoit à peine l’inscription du 100 km marqué à l’encre rouge. L’enlèvement de plaques constitue également une forme de tourisme cynique du Chemin. Un peu à l’image des faux pèlerins qui collectionnent les estampes, les voleurs de ces pièces de métal s’en approprient les emblèmes et en dénaturent l’esprit.

Jour 14 la borne 100 km

L’arrivée à Portomarin impressionne en raison de l’immense pont en béton qui surplombe un lac de barrage, le Belesar. La vue sur ce cours d’eau qui domine le panorama s’avère spectaculaire et nous offre une perspective différente des paysages désertiques de Castille-et-León. Après avoir traversé le pont, les traditionnelles flèches jaunes signalent aux pèlerins qu’ils doivent emprunter un imposant escalier qui conduit au centre-ville de Portomarin. 

Jour 14 arrivee 2

Par bonheur, notre bible mentionne qu’il est toujours possible d’emprunter la route à droite qui contourne l’escalier. De plus, à la vue des pèlerins qui s’époumonent à gravir ces interminables marches en cette fin de journée, nous optons résolument pour la solution de rechange. C’est ainsi que nous poussons nos vélos dans une pente abrupte pour rejoindre le centre-ville de Portomarin. Après avoir pris le pouls de la ville, nous apprenons que notre hébergement se trouve au sommet d’une colline. Encore une fois, nous devons marcher à côté de nos vélos dans la côte pour regagner notre auberge.

Cette dernière montée s’avère laborieuse en raison de la perte d’énergie engendrée par une exposition continue au soleil brûlant. Toutefois, l’avantage de la tranquillité assurée par ces hébergements éloignés du centre-ville surpasse l’effort demandé.

Après avoir récupéré quelque peu et fait un brin de toilette, nous descendons vers la ville. Nous déambulons dans un tout autre décor. Les lieux font davantage penser à une station balnéaire ; nous nous prenons pour de riches vacancières.

 

Le 5 à 7 se déroule dans un des bars branchés qui offrent une vue panoramique sur le lac. Nous osons même nous permettre un sac de croustilles pour accompagner notre vin blanc. Ce lieu de villégiature engendre une touche de légèreté dont nous profitons allègrement. Cette désinvolture est vraisemblablement attribuable à la durée de notre expédition qui diminue considérablement. Il ne nous reste plus que deux jours à pédaler pour atteindre notre destination.   

Jour 14 portomarin

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

Ma réflexion porte sur les messages courriel que m’envoient les amis dans le cadre de ma correspondance quotidienne avec mon groupe. J’ai instauré un rituel avant de m’endormir qui m’amène à rédiger le récit de la journée que mes proches reçoivent par courrier électronique en fin d’après-midi, dû au décalage horaire. C’est ainsi que le lendemain, à la sonnerie du réveille-matin, je prends invariablement quelques minutes pour lire leurs mots. Certains expriment qu’ils sont devenus accros à mon journal de voyage et qu’ils anticipent jour après jour l’heure de tombée du compte-rendu. Une de mes adeptes me confie qu’elle fait la lecture de mes courriels à son conjoint et que tous les deux raffolent de cette histoire racontée lors de leur 5 à 7. Une autre amie m’écrit ce matin qu’elle se prépare à vivre un deuil de mes rubriques quotidiennes puisque l’aventure tire à sa fin. 

Ces écrits chaleureux et réconfortants comptent beaucoup pour moi et me redonnent de l’énergie. L’idée de départ, plutôt intuitive, était de faciliter les échanges quotidiens avec mes proches. J’avais besoin de maintenir ce lien amical, même à distance. Maintenant, je constate les bienfaits de la rédaction de ces courriels et de la réception des mots stimulants de mes correspondants. D’une part, exprimer mes impressions de la journée avant d’aller au lit contribue à évacuer toutes contrariétés éprouvées. Raconter aux amis m’amène à m’observer, à mettre de l’ordre dans mes idées et à communiquer mes émotions. Cette activité offre l’avantage de dédramatiser les situations ou de les rendre parfois encore plus drôles qu’elles ne l’étaient. Par ailleurs, la lecture de ces messages au petit matin me redonne de la vigueur qui m’habite tout au long de la journée. Le dialogue se poursuit et chacun prodigue des conseils à son image. À mon grand bonheur, l’humour occupe une large part dans cette conversation numérisée. En fait, je crois bien que moi aussi je suis devenue dépendante de cette correspondance déclenchée par le Chemin et j’appréhende également la fin de ces échanges singuliers.

×