JOUR 3: PAMPLONA / LOS ARCOS (72 km)

Carte jour 3

PROPOSITIONS DE DIRECTIONS À PRENDRE

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  • Pour sortir de la ville, suivre les médaillons scellés dans le sol.
  • Vous allez traverser les superbes parcs du campus universitaire par la Calle Fuente del Hierro et calle Universidad.
  • En direction de Puenta-La-Reina, prendre la NA-7027, la NA-6000 et la NA-1110. (Google Maps) (1)
  • (Ici, nous avons malheureusement suivi le sentier des pèlerins qui est devenu difficilement praticable à vélo. Il a été ardu de se remettre sur la route. Nous ne voulions pas poursuivre sur le Camino qui mène à l’Alto del Perdon avec un dénivelé important et dangereux à vélo).
  • La NA-1110 mène à Puenta-La-Reina.
  • À Puente-La-Reina, poursuivre sur la NA-1110 jusqu’à Azqueta.
  • Après Azqueta, gardez le cap sur la NA-1110 jusqu’à Los Arcos. (Google Maps)
  • (Nous avons malheureusement pris le Camino après Azqueta. Ce sentier était décrit comme plus « typique », mais s’est avéré très difficile et dangereux).

(1)  Je propose les routes de vélo identifiées par Google Maps dans les situations où nous avons pris le Camino et que les sentiers ne se prêtaient pas au vélo hybride. 

RÉCIT

Nous quittons Pamplona en suivant religieusement les médaillons du coquillage au sol. Nous côtoyons les pèlerins pour quelques kilomètres et échangeons le Buen camino d’usage tout en les dépassant discrètement. Au début de ce parcours, nous profitons du paysage vallonné et de la vue imprenable sur les environs.  

Jour 3 en quittant pamplona

Graduellement, le Camino se transforme en un sentier chaotique de terre battue. Sauve qui peut ! On doit absolument retrouver la route avant d’être sérieusement engagées sur la piste qui nous condamne à grimper jusqu’à l’Alto del Pardón. Avec un nom pareil, on ne peut que craindre la douleur de la montée à vélo sur ce chemin rempli de pierres. Dès que nous le pouvons, nous quittons le Camino pour rattraper la route en direction de Puente-la-Reina. Nous croisons quelques cyclistes qui nous aident bien gentiment à reprendre la bonne voie. Nous filons comme des gazelles sur la nationale. Avant d’arriver à Azqueta se trouve la Fuente del Vino de Irache où les pèlerins se ruent généralement, dans le but de se désaltérer (?) et d’immortaliser le rituel « compostellien ». On y retrouve deux fontaines qui versent du vin rouge gratuitement dans la première et de l’eau dans la seconde. Nous poursuivons notre route, ne nous sentant pas attirées par cette attraction plutôt touristique.

À la sortie du village d’Azqueta, en fin d’après-midi, les choses se corsent. Après avoir pédalé 60 kilomètres, se présente l’option d’emprunter le sentier des pèlerins pour nous rendre à destination (Los Arcos). Notre bible qualifie cet itinéraire d’une quinzaine de kilomètres de « typique ». Très mauvais choix ! Le trajet qui nous aurait pris une heure au plus par la route se transforme en un difficile périple de trois heures à marcher péniblement tout en poussant notre vélo. Le Camino très escarpé, débordant de grosses roches, nous empêche de rouler avec nos bicyclettes bien chargées. Plus jamais nous n'opterons pour ce genre de recommandations même si celles-ci nous rapprochent du parcours des pèlerins.

Cette longue et pénible marche nous mène en premier lieu au village de Villamayor où nous remplissons nos gourdes d’eau à la fontaine de la place. L'environnement est désert et assez déprimant. Durant la dernière partie du parcours, un orage se prépare et Sylvie avance d’un pas craintif et rapide. Elle qui navigue depuis longtemps, connaît les méfaits des éclairs, de la pluie et du vent. Nous sommes entourés de champ sans possibilité d’accès à un refuge pour nous abriter. Plus elle accélère, plus je deviens affaiblie. J’ai envie de lui dire que je veux prendre une pause et que je la rejoindrai plus tard (à la noirceur ?). Je sais trop bien que de toute façon elle n’accepterait pas de me laisser derrière elle. Je pense que cette dernière partie du parcours, où je suis déshydratée et totalement épuisée, représente LE moment du voyage où j’ai dû aller au plus profond de moi-même pour me ressaisir. 

Jour 3 les chemins de roches

À 20 h, nous atteignons finalement Los Arcos, alors que nous avons enfourché nos vélos à 7 h ce matin. Nous avons heureusement réussi à nous rendre au village avant que l’orage n’éclate. Arrivées à notre auberge, nous contactons la propriétaire qui habite tout près. Nous attendons face au gîte dans un passage piéton et cette femme à la mine patibulaire s’amène dans son immense VUS qui prend toute la place dans la ruelle. Son accueil revêche nous achève. Je réalise que nous éprouvions un sentiment de grande vulnérabilité et qu’un minimum d’amabilité aurait pu changer la donne. Si cela avait été le cas, nous aurions possiblement retrouvé un peu d’énergie et aurions été en mesure de reconnaître l’exploit que nous venions d’accomplir. Inconsciemment, nous espérions un peu d’humanité en cette fin de parcours. Je crois que c’est la seule journée du périple où l’humour nous a fait défaut. (1)

(1) Note au lecteur : Cette journée est la seule misérabiliste du parcours, donc ne vous découragez pas.

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

Aujourd’hui, une de mes réflexions porte sur ce qui peut bien motiver les pèlerins à s’aventurer sur le Chemin et le sens qu’ils peuvent donner à un tel projet. Les moments où l’on côtoie ces marcheurs, que ceux-ci se trouvent en petit groupe, en couple ou en solo, je me sens touchée par leur endurance et leur détermination. Même en peloton, ils parlent peu. L’effort soutenu et l’extrême vigilance à repérer les flèches jaunes occupent une grande partie du quotidien. Je demeure impressionnée par la force qui se dégage de ces pèlerins avec lesquels l’on échange le Buen camino d’usage.

Et moi, comment expliquer ma motivation à rouler le Camino et à poursuivre ? J’ai entendu et lu plusieurs témoignages qui évoquent une quête, une évasion à la suite d’un bouleversement, une transition de vie ou encore, un retour à soi. Contrairement à ces pèlerins s’inscrivant dans une visée bien définie, je dois avouer bien candidement que j’ai accepté la proposition de Sylvie de faire Compostelle à vélo en me disant simplement « Pourquoi pas ? ». Profitant de la retraite depuis deux ans, ce défi représentait un programme bien motivant. N’étant pas l’initiatrice de ce mythique voyage, je n’avais pas d’a priori à l’esprit. Par contre, force est de constater que c’est plutôt en cours de route que se précise mon inspiration. À bien y penser, je réalise que le début du périple s’accompagne d’une première sensation de vertige liée à une nouvelle que j’ai appris la journée-même de notre départ. C’est à ce moment qu’on a confirmé à ma grande amie Sylvie (une autre Sylvie) un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Ce matin-là, en discutant avec celle-ci sur cette terrible nouvelle, Sylvie me confiait qu’elle userait de son droit à l’aide médicale à mourir le temps venu. Dans son cas, cela signifiait que le tout se réglerait rapidement. Je suis partie pour Compostelle avec ce poids énorme qu’elle avait déposé au cœur de notre longue complicité. En pédalant depuis trois jours, j’ai l’impression d’amoindrir la lourdeur associée au sentiment d’une perte incommensurable. Rouler sur le Chemin me permet d’alimenter mes réflexions sur la place essentielle de l’amitié dans ma vie.   

Cette journée qui présentait tout un défi physique et moral me fait réfléchir sur le dépassement de soi. La fin du trajet nous a mises à rude épreuve et a certainement interpellé ma capacité d’endurance, insoupçonnée jusqu’à ce jour. J’ai vécu un moment où, complètement exténuée, je voulais tout arrêter. Pourquoi n’ai-je pas démissionné ? Spontanément, je crois que c’est en raison du lien qui s’est déjà établi avec Sylvie, ma complice de vélo. Si j’avais été seule, je n’aurais pas eu la force de continuer sur ce sentier aride. Même si notre relation n’en est qu’à ses débuts, nous avons développé rapidement une loyauté, qui fait en sorte que chacune peut compter sur l’autre en tout temps. La question de l’abandon ne se posait donc pas. À l’image de ce que nous avons vécu lors de notre première journée dans les Pyrénées, c’est un peu comme si notre interdépendance décuplait l’endurance et la résistance à la fatigue.