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JOUR 15: PORTOMARIN / ARZÚA (58 km)

Carte jour 15

PROPOSITIONS DE DIRECTIONS À PRENDRE

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  • Vous quittez la ville par la LU-633. En arrivant à O Alto do Hospital, passez par-dessus la N-540 et prendre tout de suite à droite la petite route (le Camino) en direction de Ventas de Narón.
  • Après le village de Lestedo, en poursuivant avec la LU-633, vous rejoindrez la N-547 à Brea. La N-547 vous mène à Palas-de-Rei. Le Camino n’est jamais bien loin, à vous de voir.
  • Vous quittez Palas-del-Rei par la N-547, route qui vous amène jusqu’à Melide et Arzúa.
  • (Nous avons utilisé la N-547, même si celle-ci est plutôt achalandée. Vous avez régulièrement la possibilité d’opter pour le Camino, ce sera votre choix. Si parfois, le chemin des pèlerins s’avérait trop difficile, la N-547 n’est jamais trop loin.)

RÉCIT

Nous quittons Portomarin en roulant sur une merveilleuse route tranquille. Le temps frisquet produit un effet tonifiant. Nous sommes seules et il règne un silence saisissant. Ces débuts de matinée nous plongent chacune dans une forme de méditation. Ce court temps où l’on se permet de s’isoler dans notre bulle nous rend plus disponibles à ce qui se présente plus tard dans la journée. Je garde un précieux souvenir de ces moments de sérénité.

 

Depuis que nous sillonnons la région de Galice, le paysage se transforme. Notons au passage ces greniers caractéristiques à l’architecture de la contrée.

Ces bâtiments agricoles (horreos) servent de stockage des céréales après la récolte. Nous avons appris qu’ils sont montés sur des pilotis de pierre dans le but d’empêcher les rats de grimper. Ces greniers prennent toutes sortes de formes et sont protégés par un décret de l’État espagnol.

Jour 15 en quittant portomarin

Entre Portomarin et Ventas de Narón, nous montons quelque peu (571 m) pour mieux redescendre par la suite. Curieusement, aujourd’hui mes jambes refusent d’obtempérer aux impératifs des nombreuses pentes. Dès que j’amorce une côte, mes cuisses me font comprendre qu’elles ne sont plus dans le coup et qu’elles boycottent notre entente. Je dois descendre rapidement du vélo, même si le dénivelé ne s’avère pas nécessairement important. J’engage un dialogue avec mes jambes qui dénoncent leurs conditions d’exercice qu’elles jugent excessives. Il est vrai que nous nous trouvons à l’avant-dernière journée d’un voyage de seize jours et qu’elles n’ont profité d’aucune pause depuis Saint-Jean-Pied-de-Port. Je leur promets un massage sportif à notre arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle. Nous parvenons tout de même à un accord de principe et je peux enfin reprendre la route tout en gardant en tête que les montées se graviront à un tout autre rythme.

Jour 15 les belles routes

Par la suite, la LU-633 qui mène vers Palas-de-Rei, nous fait circuler dans un environnement de rêve. Cette portion du Camino s’avère la plus plaisante des voies que nous avons empruntées jusqu’à maintenant.

Nous croisons ici et là quelques pèlerins. Une chaussée en terre battue tout à côté de la route leur est réservée, mais l’on peut comprendre qu’ils préfèrent la surface unie du béton après avoir marché plusieurs kilomètres sur des chemins rocailleux. Nous saluons nos collègues du traditionnel Buen camino, signe d’une certaine complicité, en dépit du fait que nous ne nous déplaçons pas au même rythme. Nous accueillons en silence et avec gratitude la magnificence de ce lieu. Moment de bonheur.

Nous arrivons à Melide où nous avons la possibilité de nous arrêter au parc pour organiser un petit lunch. Jamón au menu pour faire changement. Il fait terriblement chaud et l’on recherche l’ombre comme toujours. Nous remarquons quelques pèlerins qui s’accordent une pause et tentent désespérément de panser leurs plaies aux pieds. Ces marcheurs semblent moins expérimentés que ceux croisés jusqu’à maintenant.  Melide est à environ 60 kilomètres de Saint-Jacques-de-Compostelle et l’on sait que plusieurs pèlerins marchent uniquement les 100 derniers kilomètres requis pour obtenir leur compostela. Comme on nous l’avait mentionné, plus nous nous rapprochons de Santiago, plus la concentration de ces piétons s’accentue. Nous demeurons toutefois les rares pèlerines sur roues.

À la sortie de Melide, nous optons pour la nationale. En raison de la description de notre bible sur ce qui nous attendait sur le Camino, nous nous résignons à rouler les quinze derniers kilomètres sur cette route plutôt achalandée. L’arrivée à Arzúa se déroule tout doucement et pour la première fois, nous pouvons prendre conseil auprès de l’information touristique et obtenir une carte de la ville. La plupart du temps, ces lieux d’accueil sont fermés lorsque nous arrêtons dans une localité. Quelle satisfaction de pouvoir enfin repérer si facilement notre hôtel à l’aide de notre plan, La chambre est décorée de façon étonnamment moderne avec un style Art déco, qualité insoupçonnée pour cette auberge sans prétention.

 

Au moment où je m’apprête à prendre une douche, je découvre avec stupéfaction une marque de bronzage bien découpée sur ma jambe gauche.

Puisque l’on roule invariablement vers l’ouest, le soleil plombe sans pitié sur ma jambe gauche la majeure partie de la journée. Mes jambières protègent mes cuisses et une portion de mes jambes contre les rayons UV, mais ce minime espace à découvert subsiste. Je suis stupéfaite de constater les répercussions importantes d’un fort ensoleillement quotidien. Sylvie et moi nous amusons à imaginer l’allure qui en résultera en jupette.

Jour 15 mes jambes

En soirée, sur la grande place, nous optons pour des pâtes, au lieu de l’habituel repas du pèlerin trop copieux. Nous dégustons un bon vin rouge et je renonce à jouer à la police de la consommation. Je crois que nous sommes devenues comme un vieux couple qui s’accommode bien des travers de l’autre, d’autant plus que la stratégie de Sylvie de réduction du vacarme nocturne a fait ses preuves. Je sais trop combien elle rêve du moment où elle pourra enfin dormir de tout son long sans avoir à s’appuyer sur une pile d’oreillers. Demain, c’est le grand jour, nous arrivons à Santiago. Nous éprouvons un profond sentiment d’accomplissement tout en partageant une certaine appréhension de la fin de notre belle aventure.

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

« C’est une autre des découvertes que l’on fait en chemin que cette exaltation, ce bonheur, cette paix qui augmente à mesure que l’on approche du but. » (Ruffin, op.cit., p.12)  Divers sentiments nous habitent au fil des jours, mais à l’approche de St-Jacques-de-Compostelle je réalise que les kilomètres parcourus ont façonné un état de bien-être global hors du commun. Cette douce sérénité, cette étroite communion avec l’environnement et ce lien de fraternité qui nous unit Sylvie et moi émanent de notre fabuleuse aventure cycliste. Maintenant que celle-ci tire à sa fin, comment préserver cette plénitude intérieure à laquelle nous sommes parvenues?

Sans pouvoir répondre à ces questions liées à l’incertitude qui habite le terme de notre voyage, j’ose croire que la sagesse acquise saura nous guider pour la suite des choses. Au début de notre périple, nous avons eu tendance à vouloir contrôler les imprévus qui pouvaient survenir. Voilà qu’à la fin de cette aventure, ce réflexe tend à réapparaître dans l’appréhension des scénarios à venir. Quitter la bulle qui s’est créée s’annonce difficile. Peut-être que la capacité développée à nous abandonner à l’impondérable facilitera la reproduction de cette même ouverture à ce que nous réserve le lendemain de notre arrivée à St-Jacques ? Ainsi, comme je l’ai appris tout au long de notre odyssée, il me faudra continuer à accueillir ce qui émerge, en dépit du fait que le Chemin ne fera plus partie de mon quotidien.

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