Comment fait-on face à ce type d’imprévus ? On nous offre que de simples biscottes au petit déjeuner ; je détiens un pot de beurre d’arachides qui sauve la situation. Nous avons réservé dans le mauvais pays ; une auberge de pèlerins à proximité nous accueillera bien. Même si nous nous trouvons qu’au début de notre voyage, je sens que le Chemin nous révèle graduellement sa propre nature. Il nous garde en réserve plusieurs surprises qui sauront mettre à l’épreuve notre capacité respective à changer de cadre.
Je réalise que j’ai, au départ, cette facilité à m’adapter et à examiner les alternatives, sans vraiment m’accrocher à mes habitudes de vie qui peuvent apparaître sécurisantes. Est-ce dans ma nature ? Tout ce que je sais, c’est que j’ai une aversion à toute forme de rigidité. Je me sens bien impuissante devant une personne qui s’en tient à son plan et persiste dans sa déception lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu. Malgré quelques rituels à mon actif, je me montre rapidement réceptive à ce qui se présente en voyage.
Ceci me fait réfléchir sur notre façon de voyager. J’ai lu récemment le récit de deux Canadiens qui ont parcouru le chemin de Compostelle à vélo et qui critiquaient sans cesse la nourriture puisqu’elle ne correspondait pas à leur cuisine habituelle. La découverte d’une boulangerie espagnole qui offrait des éclairs au chocolat leur a apporté un moment de bonheur. Enfin une bonne pâtisserie ! Est-ce que l’on voyage avec le projet de reproduire notre quotidien ailleurs ? Dans le cas de Compostelle, je crois fermement que le Chemin nous amène à revoir à tout moment nos plans et que l’énergie ne peut être perdue à ressasser les contretemps. Un esprit intoxiqué de frustrations ne peut grimper les Pyrénées à mon avis. Sylvie et moi avons vite compris que nous avions intérêt à demeurer vigilantes et bien ouvertes à ce qui se présentait considérant l’ampleur du défi physique et moral qui se dessine. Adieu, mon cadre de référence, on se retrouve peut-être dans 16 jours.