JOUR: 10 LEÓN / ASTORGA (50 km)

Carte jour 10

PROPOSITIONS DE DIRECTIONS À PRENDRE

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  • Vous sortirez de León par le chemin des pèlerins (suivre les flèches jaunes). Celui-ci vous mène à la place San Marco et son monastère. Vous retrouverez une statue d’un pèlerin qui récupère appuyé contre la croix.
  • Le chemin vous amènera à La Virgen-del-Camino et San-Martin-del-Camino. Vous longerez la N-120 (très fréquentée), à vous de voir ce qui vous convient.
  • 7 km après San-Martin, vous traverserez le superbe Puente del Paso Honroso. Prenez le temps de faire une bonne pause, il y a un parc tout en bas à votre droite. Le pont vous amène à Hospital-de-Orbigo.
  • À la sortie de Hospital-de-Orbigo, suivre les flèches jusqu’à Villares-de-Orbigo. De là, suivre le Camino qui vous mène au village de Santibáñez-de-Valdeiglesias. L’asphalte  cède la place à la piste de terre rouge.
  • Sur la route des pèlerins, vous parvenez à un endroit unique : la Casa de Los Dioses. Prendre le temps de vivre l’expérience.
  • Toujours par le Camino, vous atteignez rapidement la Cruzeiro de Santo Toribio, une croix de pierre, d’où l’on a un superbe point de vue sur Astorga.
  • Continuez jusqu’à San-Justo-de-la-Vega et de là vous pouvez utiliser la N-120 pour vous rendre à Astorga, ou bien emprunter la route des pèlerins qui est tout près.

RÉCIT

Habituellement, nous ne prenons pas le petit déjeuner à l’hôtel où nous logeons puisque l’horaire ne convient pas à des cyclistes qui se mettent en route très tôt. Cette fois, notre ange de parcours avait vraiment insisté pour que nous profitions de leur offre et nous avait donné l’assurance que le service commence à 6 h 30, ce qui est bien le cas. Nous nous régalons d’un repas incroyablement savoureux et copieux. Sylvie a l’embarras du choix en aliments protéiniques et de mon côté, je n’ai pas à me dépanner avec mon pot de beurre d’arachides qui tire malheureusement à sa fin.

Nous quittons la merveilleuse ville de León en nous laissant guider par les traditionnelles flèches jaunes. Celles-ci nous mènent à la place San Marcos où se trouve une statue de pèlerin qui se repose contre la croix.

Jour 10 leon la statue du pelerin 1

Nous retrouvons notre inévitable route nationale qui nous conduit un peu plus loin au croisement de deux autoroutes. Il faut faire très attention pour ne pas nous aventurer sur une de ces voies rapides et nous éloigner promptement de cet univers étourdissant qui contraste passablement avec le Camino. Par la suite, nous optons pour la nationale même si celle-ci s’est transformée en artère très fréquentée. Je deviens alors la valeureuse cycliste de derrière par prudence, considérant que le vélo de Sylvie n’est pas muni de miroir (elle s’en procurera un plus tard). Les deux pèlerines pédalent de façon moins désinvolte en cette matinée, et ce, jusqu’à la pause du dîner.

C’est donc avec un immense plaisir que nous atteignons le passage du pont médiéval du Paso Honroso (passage de l’honneur) sur la rivière Orbigo. Curieusement, ce pont apparaît très imposant relativement au faible débit de la rivière. Nous déambulons sur cette traversée comme deux princesses accompagnées de leur valeureux vélo.

Nous apercevons un parc tout en bas et décidons que ce sera notre lieu d’arrêt pour le dîner. Sylvie, qui profite de toutes les épiceries que l’on trouve sur la route, a recueilli des tonnes de victuailles à partager pour enjoliver notre habituelle boîte de thon. En pleine discussion, nous voilà à nouveau prises d’un accès de fou rire interminable après avoir constaté que les échanges qui nous animent impliquent immanquablement la nourriture et la cuisine. Nous avons tendance à imaginer tout ce qui pourrait accompagner notre repas ou ce que l’on désire se procurer pour bonifier notre prochaine pause. C’est ainsi que nous réalisons que nous sommes devenues obsédées par notre alimentation. Je ne sais trop si cette manie momentanée (espérons-le) représente une façon de focaliser notre intérêt sur la bonne bouffe, sujet ludique, plutôt que sur l’effort physique considérable qui occupe une large partie de la journée. Peu importe la raison, notre fixation alimentaire nous procure le plus grand bien.  

 

Jour 10 passo notre photo

Après avoir vécu le stress de la route nationale en matinée, nous bifurquons vers le Camino qui nous mènera vers Astorga. Nous roulons sur un sentier de terre encombré de roches avec un dénivelé positif sur quelques kilomètres. Même si cette portion du Camino ne représente rien d’exceptionnel, je trouve plus difficile aujourd’hui de me retrouver dans cet environnement hostile. C’est pourquoi l’apparition d’un lieu de repos perdu au milieu de ce désert m’enchante au plus haut point.

Jour 10 la casa

 

Toutes poussiéreuses, nous arrivons à cet étrange domaine (La Casa de los Dioses) et, aussitôt le pied déposé, notre hôte qui nous a vues venir nous sert une limonade fraîchement pressée. Cette boisson glacée offerte dans cet environnement désertique par un charmant barbu digne de l’époque Peace and Love, tient du mirage. Nous savourons ce moment de pause complètement enchanteur pour repartir plus confiantes que jamais, notre hôte nous ayant assurées que les sentiers de terre rocailleux en pente étaient terminés. La suite du voyage nous confirmera qu’il disait vrai.

Entre la Casa de Los Dioses et notre prochain arrêt à 3,5 kl (la Cruzeiro de Santo Toribio), la route des pèlerins traverse une voie secondaire déserte où est stationné un autobus complètement vide. Le chauffeur fume une cigarette et semble attendre le retour des passagers. Je réalise que le car se situe à mi-chemin entre deux sites d’intérêt du Camino Francés. Je me rappelle également qu’à la Casa se trouvait un certain nombre de personnes qu’on ne pouvait identifier comme marcheurs ou cyclistes. Ces personnes portaient une tenue plutôt impeccable et des chaussures propres pour un lieu aussi isolé. Est-ce que ces similis pèlerins se déplacent en bus sur la route de Compostelle pour qu’on les dépose à ces endroits stratégiques ? Il s’agirait ainsi d’obtenir l’estampe de la Casa et de la Cruzeiro afin de garnir leur credencial. C’est un peu comme si ces individus emmagasinaient des preuves dénaturées dans le seul but d’acquérir leur compostela à Santiago. C’est une forme de tourisme qui me dépasse totalement et dont je n’avais aucune connaissance jusqu’à ce jour.

Nous arrivons à la Cruzeiro de Santo Toribio, une croix en pierre qui offre une superbe vue sur Astorga, notre destination. Ici encore, les pèlerins déposent des cailloux à la base. Nous en profitons pour prendre quelques photos et nous éprouvons un plaisir à imaginer notre imminente descente à vélo.  

Nous apercevons deux jeunes femmes à vélo qui se font prendre en photo et expliquent en anglais à un pèlerin qu’elles sont originaires de Pologne. Sylvie remarque qu’elles utilisent un vélo électrique, chose que je n’avais pas observée. Nous croiserons ces deux Polonaises dans les prochains jours et ces rencontres donneront lieu à des rebondissements comme nous le verrons.

 

Jour 10 la cruz

Nous nous dirigeons tout doucement vers Astorga et délaissons la piste de poussière de pierre. Nous croisons à nouveau une sculpture de pèlerin. Le personnage de ce matin à León se reposait appuyé sur la croix et celui de cette fin de journée démontre une certaine vigueur. Ces sculptures imposent le respect et j’admire silencieusement la multitude de pèlerins qui ont franchi cette route mythique. Croiser ces symboles tout en vivant au rythme du Chemin m’amène à me sentir complice de ceux qui se sont engagés dans cette aventure légendaire.

Jour 10 avant astorga

Nous arrivons finalement à Astorga et réalisons que nous logerons dans un vaste appartement moderne. Celui-ci est situé au centre-ville et les larges portes françaises nous offrent une vue imprenable sur la grande place. On y trouve une chambre fermée dont je profiterai certainement et Sylvie se réjouit de pouvoir utiliser le divan-lit sur lequel elle pourra s’allonger normalement. Toutefois, elle sera dérangée une bonne partie de la nuit par le boucan d’enfer généré par les cafés tout près. Nous disposons d’un lave-linge que nous devons démarrer immédiatement si l’on veut que notre lessive ait le temps de sécher. C’est le bonheur !

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

Que penser de ces touristes qui se déplacent en bus sur le Camino dans le but de garnir leur credential qu’ils présenteront avec grande fierté à Saint-Jacques-de-Compostelle ? Le subterfuge consiste à accumuler les estampes requises pour obtenir leur compostela, certificat que ces faux diplômés exhiberont comme un trophée. Je me sens bien troublée par cette forme de tourisme de masse « compostellien » dont j’ignorais bien naïvement l’existence. « Il y a les marcheurs authentiques. Les autres, dans leur immense majorité, sont chaussés de mocassins en cuir ou d’espadrilles. Leur élégance, leur propreté, leur fraîcheur sont bien peu compatibles avec les fatigues du Chemin. On comprend, lorsqu’on les voit regagner les cars, qu’ils appartiennent à la catégorie des pèlerins motorisé. Les tour-opérateurs leur ont vendu compostelle et ils les y conduisent en faisant de courtes haltes aux endroits « intéressants ».» (Ruffin, 2014, p.120-121) (1)

C’est à mon avis une perte de sens et un étiolement de l’esprit de cette expérience unique. On dira que chacun vit son propre Compostelle et que personne ne peut juger des motivations de l’autre croisé sur sa route. Je ne peux toutefois prêcher d’une telle sagesse devant cette pratique de consommation touristique. Parcourir le Chemin incite à l’humilité. À première vue, cette qualité n’est certainement pas mise en valeur chez ces pèlerins qui font leurs emplettes d’estampilles.

Cette expérience m’amène à réfléchir au tourisme de masse qui n’épargne pas le Chemin de Compostelle. Nous avons eu la chance de voyager en dehors de la haute saison et avons échappé à ces hordes de pèlerins sur la route. À cette période, je ne crois pas que nous nous serions senties accueillies avec autant d’affabilité par le peuple espagnol. Malheureusement, l’industrie du tourisme transforme les populations devenues dépendantes de cet apport financier. Je comprends que le Camino Francés offre l’option d’une destination de courte durée et plus commerciale. En effet, de plus en plus de pèlerins amorcent leur parcours à Sarria qui se situe à environ 100 km de Santiago, ce qui représente la distance minimale exigée pour recevoir la compostela. À chacun son chemin.

(1) Ruffin, Jean-Christophe, « Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi », 2014, Folio, Malesherbes, France.