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JOUR 13: AMBASMESTAS / TRIACASTELA (45 km)

Carte jour 13

PROPOSITIONS DE DIRECTIONS À PRENDRE

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  • En quittant Ambasmestas par la N-VI, vous passerez par Vega de Valcarce. On sort de ce village par la N-006A qui rejoint la N-VI. Vous passerez sous un impressionnant pont de l’autoroute.
  • Vous avez 17 km jusqu’à O Cebreiro avec un dénivelé positif de 650 m.
  • Empruntez la N-VI qui vous amènera dans le hameau de La Lamas puis à côté de celui d’El Castro. Laisser ici la N-VI et prendre la petite route qui passe par El Castro et rejoint la Grande route à Pedrafita do Cebreiro (frontière de Galice).
  • À l’entrée de Pedrafita, prendre la LU-633 en direction de Samos et Triacastela.
  • Vous monterez encore 4 km avant d’atteindre O Cebreiro, lieu mythique du Camino où vous pouvez vous arrêter.
  • Au départ d’O Cebreiro, continuer sur la LU-633. Vous monterez  jusqu’à l’Alto de San Roque où se trouve une immense statue de bronze d’un pèlerin faisant face à la tempête.
  • Continuer sur la LU-633 jusqu’à l’Alto do Polo, point culminant avant une longue descente. Vous aurez des paysages à couper le souffle dans votre descente jusqu’à Triacastela.

RÉCIT

Nous quittons Amabasmestas aux aurores, vêtues de la majeure partie de notre garde-robe puisqu’il fait très froid ce matin. Nous roulons trois kilomètres jusqu’à Vega de Valcarce où nous espérons dénicher un petit café. Après avoir complété le tour du village, nous optons pour une auberge de pèlerins ouverte aux voyageuses comme nous. Les marcheurs ont bien sûr déjà pris la route et nous avons toute la place pour nous deux. Nous profitons de la chaleur, d’une bonne omelette et d’un café succulent. Aujourd’hui, nous franchissons la troisième épreuve du Camino, c’est-à-dire que nous montons 650 mètres jusqu’à O Cebreiro qui se trouve à 17 km d’ici. L’appréhension se fait moins vive considérant tout ce que nous avons grimpé précédemment. Possiblement qu’à cette phase du voyage nous nous laissons porter davantage par le Chemin.

Dès le départ, nous optons sans hésitation pour le béton lorsque nous apercevons le sentier des pèlerins dans la montagne. De plus, notre bible nous déconseille cette piste. On qualifie la route nationale de « moins champêtre », mais plus facile dans le dénivelé. Nous commençons à grimper lentement cette longue pente. Au départ, nous roulons en dessous d’une autoroute impressionnante très en hauteur supportée par des piliers géants.

Nous poursuivons notre montée doucement, mais sûrement. Habituellement, je roule devant et Sylvie me suit. Pour mieux affronter cette longue pente, nous nous efforçons de demeurer sur nos vélos sans en descendre. Sylvie persiste généralement plus longtemps que moi et me devance alors que j’abandonne et pousse le mien dans la côte. 

Jour 13 en dessous de l autoroute

À un certain moment, arrêtées toutes les deux dans une côte, nous apercevons nos deux Polonaises rencontrées précédemment qui montent derrière nous avec leur vélo électrique. La première, à la silhouette menue, nous dépasse et sa semblable, beaucoup plus costaude, en fait tout autant. Lorsque cette dernière nous croise, elle se tourne vers nous et nous balance d’un ton moqueur « gnagnagna » avec un air tout souriant. Cette jeune femme en vélo électrique rit au nez de deux cyclistes dans la soixantaine à vélo hybride ! Nous encaissons courageusement le choc. Quel comportement déraisonnable dans un tel environnement.

À notre pause de la matinée, nous plaisantons sur cet épisode marquant de notre expédition. Nous imaginons spontanément quelques scénarios mettant en scènes le sabotage de la batterie de notre cycliste moqueuse. L’élaboration de ces attaques ne respecte sans doute pas l’esprit du Chemin, mais cet exercice nous permet toutefois d’évacuer notre agressivité sans grandes conséquences. Pour finir, nous revenons à la pratique de l’autodérision qui demeure notre meilleure protection contre la bêtise humaine. Après toutes ces émotions, nous reprenons l’ascension de la longue pente. 

Jour 13 pedrafita do cebreiro

Nous roulons jusqu’à O Cebreiro, autre lieu mythique du Camino. Nous venons de quitter la région de Castille et León et nous nous trouvons maintenant en Galice. Ce village d’altitude garde intact un ensemble de « pallozas », demeures de pierre au toit de chaume qui étaient encore habitées il n’y a pas si longtemps. Leur histoire nous ramène à la période celtique. L’environnement nous plonge dans une ambiance d’une autre époque et nous nous baladons à travers la foule de touristes. C’est la première fois où nous nous retrouvons avec autant de pèlerins. Sylvie s’assure que nous prenions le temps de visiter l’église préromane Santa Maria où nous obtenons le tampon pour notre credencial. Il ne nous reste plus qu’à dénicher un endroit pour nous restaurer.

Jour 13 o cebrio

Nous découvrons un café avec terrasse tellement sympathique. Au menu : une caldo gallego (soupe galicienne aux légumes) et une empanada de atûn (chausson au thon). Nous ne nous aventurons jamais trop loin de notre traditionnelle boîte de thon. Nous savourons ces spécialités maison et échangeons avec quelques pèlerins français et répondons à leurs multiples questions sur notre expédition à vélo. Je trouve toujours fascinant de pouvoir discuter avec ces derniers et de réaliser jusqu’à quel point la notion de distance à franchir quotidiennement est tout autre. Pour une même distance, le cycliste arrive à destination dans la journée, alors que le marcheur doit généralement y consacrer deux ou trois jours. De cette façon, nous ne retrouverons malheureusement pas les pèlerins rencontrés sur notre chemin. 

Après avoir quitté O Cebreiro, bien rassasiées et reposées, nous atteignons le site culminant l’Alto de Polo (1,335 m d’altitude). De là, nous amorçons une descente pour les 36 prochains kilomètres qui nous amène à 900 m plus bas. Heureusement que nos freins ont profité d’ajustements appropriés.

Nous nous arrêtons à mi-chemin dans cette longue descente à Triacastela où nous dormirons. Après avoir complété le tour du petit village, nous réalisons que nous avons réservé une auberge (chez Olga) qui se trouve tout en haut d’une côte. C’est incroyable de constater jusqu’à quel point les efforts déployés pour grimper cette dernière pente s’avèrent exigeants. Heureusement, Olga nous accueille avec grande amabilité dans son humble demeure. Elle nous sert la traditionnelle bière froide qui s’harmonise très bien avec cette chaleur intense. On se sent à la campagne avec la vaste cour et les poules derrière. La terrasse est aménagée et permet de faire notre lessive en plein air, ce qui nous réjouit bien sûr. En fin de journée, nous profitons d’un repas du pèlerin sur la grande place du village. Les serveurs se montrent reconnaissants que nous déployions l’effort de « hablar un poco de español ». Nous retournons à notre auberge sur la côte et recueillons au passage notre linge sec sur la corde. En espérant que le coq ne chante pas trop tôt demain matin.

RÉFLEXION DE LA JOURNÉE

Le penseur

Nos discussions avec les pèlerins (1) tout au long du voyage m’amènent à croire que je n’aurais probablement pas le tempérament pour marcher le Camino Francés. Chacun de ces échanges m’a fait réaliser la profonde solitude vécue par ces marcheurs, malgré l’esprit de solidarité et de collectivité que j’ai pu observer. Parcourir une vingtaine de kilomètres et plus par jour avec le poids du sac à dos et les blessures inévitables aux pieds nécessite une grande capacité de résilience dont je ne saurais probablement faire preuve. Par contre, l’on pourrait arguer que de rouler une soixantaine de kilomètres quotidiennement avec un lourd fardeau sur son vélo et de multiples pentes à franchir, requiert également une bonne faculté d’adaptation. Marcher ou pédaler sur le Chemin est propice au dépassement de soi, peu importe que l’on soit seul, à deux ou à plusieurs.

Qu’en est-il maintenant de la solitude du marcheur ou du cycliste ? Sur la base de notre expérience, je constate que les périodes de réclusions volontaires à vélo s’avèrent moins importantes que chez le pèlerin. Les défis de la route et les nombreuses pentes font en sorte que, comme cyclistes, nous nous retrouvons régulièrement sans jamais trop nous éloigner l’une de l’autre. Les témoignages des pèlerins font plutôt état de longs moments d’isolement propices au recueillement. C’est possiblement pour cette raison que s’écrivent tant de récits de marcheurs qui relatent cette expérience unique d’autoréflexion intense. À vélo, ces moments ne prédominent pas puisqu’ils se trouvent généralement en opposition avec une demande continuelle de force physique et d’endurance cardiovasculaire. Il existe une bonne différence entre d’un côté, un paysage qui défile alors que l’on pédale et de l’autre, ce même paysage que l’on contemple tout en marchant. Personnellement, je me sens plus à l’aise avec le mouvement du vélo qu’avec la lente observation de l’environnement et de l’interminable réflexion qui en découle.

(1) Comme mentionné précédemment, les pèlerins sont les personnes qui marchent sur le Camino. Pour moi qui roule sur cette même voie, j’ai trouvé l’expression « velogrina » ou encore, « peregrina » à vélo.